Quand on a trop promis

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La Commission Suisse pour la Loyauté (CSL) avait à juger 15 plaintes au total lors de sa séance du 29 juin 2016. Alors qu’elle n’est absolument pas entrée en matière sur une plainte et que deux décisions ont donné lieu à des recours, la Troisième Chambre a approuvé 7 plaintes et en a rejeté 5 autres. Dans ce contexte, la CSL a mis l’accent, d’une part, sur des assertions déloyales (alléguées) concernant la protection de la nature et la durabilité et, d’autre part, sur le non-respect de l’astérisque dans l’annuaire téléphonique ainsi que de l’autocollant «Stop à la publicité».

Qu’entend le destinataire moyen par le terme de «durabilité»? Comment interprète-t-il par exemple l’assertion publicitaire «Un produit plus durable que…»? Et qu’attend-il concrètement d’une promesse faite par une entreprise dans sa publicité ? Pas moins de quatre plaintes concernaient des questions de ce genre – la Troisième Chambre a approuvé la moitié d’entre elles. A deux reprises, il s’agissait de la promesse d’un grand distributeur. De l’avis de la CSL, l’assertion «Nous appliquons également les normes suisses à l’ensemble de nos produits en provenance de l’étranger» est une promesse qui n’a pas été tenue, et il en va de même de l’assertion «Nous promettons à Noah que, dès la fin 2014, nous n’offrirons plus que des insecticides et des produits phytosanitaires ne mettant pas en danger la vie des abeilles.» Ces deux cas remplissaient les conditions définissant l’état de fait constitutif de publicité trompeuse et, partant, de publicité déloyale. Dans le premier cas, la partie défenderesse déclarait sur son site web qu’en ce qui concerne la promesse faite à Jay, il ne s’agit que d’un objectif qui doit être atteint d’ici à l’année 2020. Toutefois, le présent de l’indicatif utilisé dans le claim – «nous appliquons» – indique, pour le destinataire moyen, que la promesse est déjà réalisée en ce moment même. Dans l’autre cas, les consommateurs peuvent s’attendre à ce qu’on ne fasse plus appel à aucune substance pouvant mettre en danger la vie des abeilles dans le produit vanté dans la publicité. En revanche, la Troisième Chambre a jugé que les deux autres plaintes n’étaient ni trompeuses, ni mensongères. Des assertions comme «(plus) durable que…» et «plus durable que ce qu’on pense» ne doivent pas être interprétées en termes absolus, mais ne font qu’exprimer le fait que l’entreprise déploie des efforts particuliers dans ce domaine. Il est par ailleurs réjouissant que le grand distributeur concerné ait immédiatement adapté ses promesses à Jay et à Noah, resp. qu’il les ait enlevées.

Non-respect de l’astérisque et de l’autocollant «Stop à la publicité»

Sur les cinq plaintes pour non-respect, deux d’entre elles concernaient l’inscription de l’astérisque et trois d’entre elles portaient sur l’autocollant «Stop à la publicité». Hormis l’une d’entre elles, toutes ces plaintes ont été approuvées. Une plainte a été rejetée surtout parce que la partie plaignante, malgré l’inscription de l’astérisque dans l’annuaire, a néanmoins pris l’appel téléphonique publicitaire en question et a encore immédiatement conclu un contrat. Le fait qu’elle n’a invoqué l’inscription de l’astérisque qu’au moment où elle a réalisé qu’elle n’aurait pas dû conclure ce contrat est une infraction au principe de la bonne foi (art. 2 CC) et ne bénéficie d’aucune protection juridique. S’agissant de l’autocollant «Stop à la publicité», ce dernier exprime la volonté explicite du détenteur de la boîte aux lettres. Toute pratique qui ne respecte pas ce principe est considérée comme une méthode publicitaire agressive et déloyale (art. 2 de la Loi contre la concurrence déloyale (LCD). A cet égard, la responsabilité incombe toujours à l’annonceur. Il assume la responsabilité relevant du droit de la concurrence déloyale pour les fautes commises par des tiers ou par des auxiliaires; l’existence d’une propre faute de sa part n’est pas nécessaire pour remplir les conditions des états de fait constitutifs d’une infraction à la LCD.

Les autres plaintes étaient dirigées contre une inscription payante dans un répertoire de branche qui n’a pas respecté le droit de révocation, contre une garantie de produit qui ne relevait pas de la compétence de la CSL, ainsi que contre une «journée des jambes ouvertes» d’un club érotique. Ces trois plaintes ont été approuvées, du moins partiellement. Comme d’habitude, vous trouverez les justifications détaillées relatives à l’ensemble des décisions de la Troisième Chambre du 29 juin 2016 sur le site web loyaute-en-publicite.ch sous la rubrique «Décisions».

Thomas Meier
Chargé des médias de la Commission Suisse pour la Loyauté