Du «Nose Art» aux «unclean hands»

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Lors de sa séance du 28 juin 2017, la Troisième Chambre de la Commission Suisse pour la Loyauté avait à juger 13 plaintes ainsi qu’une demande de sanction à l’encontre du Centre dianétique de Bâle de l’Eglise de la Scientologie. Cette dernière a été approuvée, de même que 7 plaintes sur 13 – à savoir deux plaintes pour cause de non-respect de l’autocollant «Stop à la publicité», des plaintes pour envoi illicite de publicité par courriel, d’autres pour discrimination sexuelle ainsi qu’un cas relatif à une offre d’enregistrement dans un annuaire qui était déguisée en facture.

Sur les quatre plaintes pour discrimination sexuelle examinées, deux étaient dirigées contre des publicités attentant à la dignité de la femme et de l’homme; deux d’entre elles ont été approuvées et deux autres rejetées – réparties paritairement entre les deux sexes. Ont été approuvées les plaintes contre des cas relatifs à une sculpture se trouvant en vitrine d’un magasin qui faisait référence aux «peintures de guerre» apposées sur le nez des avions («Nose Art») par les pilotes des années 40, ainsi qu’une plainte contre un sujet représentant un homme au torse nu faisant de la publicité pour un fer à repasser. D’une part, parce qu’il n’existait pas de lien naturel entre le sujet et le slogan «Chaud, l’appareil!» et, d’autre part, parce que l’homme qui était arrosé d’un liquide semblable à du sirop était représenté comme un objet sans volonté et manipulable. Le sujet où figurait une femme à cheval sur une bombe, les jambes ouvertes, a été jugé attentatoire à la dignité de la femme puisqu’il autorisait un regard désinhibé sur l’entre-jambes de la dame. Ont été jugés licites, en revanche, tant la représentation clairement humoristique d’un homme qui portait un soutien-gorge qu’un sujet qui présentait une femme habillée d’une cotte de mailles, étant précisé qu’il s’agissait d’un cas-limite. Certes, l’allégation de la partie défenderesse selon laquelle, d’habitude, dans les domaines de la sécurité et du design, des cottes de maille de ce genre seraient effectivement portées sur la peau nue, a été considérée comme crédible; en revanche, la mention «Offres attractives» associée à cette représentation visuelle a été jugée pour le moins ambiguë. Au final, dans le cas d’espèce, la Troisième Chambre a en quelque sorte fait primer la clémence sur le droit.

Indication des prix: seulement une offre d’appel?

Un recourant considère comme illicite tant les prix des promotions communiqués dans la publicité que la qualité vantée dans cette dernière: d’une part, il y voit une infraction à la clause de portée générale de l’art. 2 de la loi fédérale contre la concurrence déloyale (LCD)1) et, d’autre part, il la considère comme une offre d’appel illicite au sens de l’art. 3 al. 1 let. f LCD. La partie plaignante le conteste et, de surcroît, a dénié à son adversaire la qualité pour agir, de sorte qu’à ses yeux, il ne faudrait absolument pas entrer en matière sur cette plainte. La Troisième Chambre de la CSL a suivi son argumentation dans le sens qu’il n’existe pas d’interdiction générale d’offrir des prix plus bas. Seul celui qui évince de ce fait la concurrence ou qui propose sa marchandise à un prix inférieur à son prix de revient agit de manière illicite et enfreint ainsi l’art. 3 al. 1 let. f LCD (procédure systématique, mise en évidence particulière, etc.).

La CSL a rejeté la plainte, mais est entrée en matière sur l’intégralité de sa teneur. À la différence de la qualité pour agir telle que définie dans la LCD, la plainte déposée devant la Commission Suisse pour la Loyauté est une «action populaire», à savoir un recours visant uniquement la sauvegarde d’intérêts publics qui ne présuppose pas que le recourant doit être touché plus que quiconque par la décision attaquée. La CSL n’entre pas en matière sur une plainte qu’à condition que cette dernière soit, par exemple, manifestement injustifiée, arbitraire, vouée à ne pas aboutir ou insuffisamment fondée (art. 9 al. 1 du Règlement de la CSL). Le fait qu’à l’heure actuelle, les parties tentent de régler entre elles encore d’autres litiges ne saurait rien changer à la situation. À cet égard, le Tribunal fédéral a confirmé que dans le droit suisse de la loyauté, l’objection dite des «unclean hands» est dépourvue de toute base légale (ATF 129 III 426, consid. 2).

13 plaintes et une sanction

Sur les 13 plaintes qui ont été déposées, la Troisième Chambre de la CSL en a approuvé 7 et en a rejeté 4 le 28 juin 2017; elle a renvoyé l’examen d’une autre plainte au plénum qui réunira l’ensemble des trois Chambres de la CSL le 8 novembre 2017 et, pour une autre plainte, elle a exigé des preuves supplémentaires. En outre, la Troisième Chambre a approuvé une sanction contre le Centre de dianétique de Bâle de l’Eglise de la Scientologie. Comme de coutume, vous trouverez les justifications détaillées sur l’ensemble des décisions sur le site web loyauté-en-publicité.ch sous la rubrique «Décisions».

Thomas Meier
Chargé des médias de la Commission Suisse pour la Loyauté

 

1    Est déloyal et illicite tout comportement ou pratique commerciale qui est trompeur ou qui contrevient de toute autre manière aux règles de la bonne foi et qui influe sur les rapports entre concurrents ou entre fournisseurs et clients.