Des recours et des expert-e-s

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Lors de la séance plénière réunissant l’ensemble des trois Chambres de la CSL qui a eu lieu par vidéoconférence, la Commission Suisse pour la Loyauté a notamment traité le 6 mai 2020 deux recours de la Fondation alémanique pour la protection des consommateurs (SKS) dans le domaine du marketing d’influence et a élu deux nouveaux experts au sein de la commission consultative.

En lien avec diverses plaintes concernant le domaine de l’influencer marketing, la Fondation alémanique pour la protection des consommateurs (SKS) a fait recours contre les premières décisions de la Commission Suisse pour la Loyauté (CSL) de l’année dernière en la matière et a déposé de nouvelles plaintes. Lors de la séance plénière de toutes les Chambres de la CSL  – ce type de séance n’a lieu que deux fois par an, d’où le retard  – la CSL a examiné les recours et les a rejetés. Pas seulement parce que les recours ne peuvent être approuvés qu’en cas d’arbitraire, mais encore parce que leur objectif n’est pas de forcer la CSL à réexaminer les plaintes.

Tous les posts ne sont pas de même nature

Aussi bien dans les deux recours déposés, l’un contre Roger Federer et l’autre contre Xenia Tchoumi, que dans la plainte dirigée contre Yolanda Neff, il s’agit de l’obligation de caractériser en tant que publicité commerciale les posts publiés sur les médias sociaux. Toutefois, sur le plan matériel, ces posts se distinguent entre eux par la nature de leurs contenus respectifs. En effet, Roger Federer a posté une vidéo publicitaire professionnelle où figurait notamment le logo de son partenaire de sponsoring actuel. Il ressortait de la présentation de manière clairement identifiable que la star de tennis faisait de la publicité pour le détenteur de la marque. Dans le post de Xenia Tchoumi, il ressortait aussi sans ambiguïté qu’il s’agissait d’une communication commerciale, bien que les bijoux présentés n’étaient pas caractérisés comme tels. Le fait que cette influenceuse a demandé de faire inscrire au procès-verbal qu’elle n’avait aucun accord de collaboration avec la marque vantée n’était pas pertinent dans la mesure où les influenceurs ont souvent pour stratégie de ne faire de la publicité pour certaines marques que dans la perspective de faire des affaires avec elles à l’avenir. Dans le cas de Yolanda Neff, sur le plan matériel, la Commission Suisse pour la Loyauté n’a absolument pas tranché puisque la championne de VTT a d’emblée accepté la plainte. Cette procédure est conforme à la pratique des tribunaux étatiques civils.

Il n’y a pas d’obligation générale de caractérisation

Ces cas montrent bien qu’on ne peut pas mettre toutes les plaintes dans le même sac. Chaque plainte doit être évaluée de manière différenciée et autonome. L’appréciation d’une nouvelle situation de fait, comme dans le cas des plaintes contre les influenceurs, montre toutefois également qu’il faut disposer d’un certain nombre de cas avant qu’une jurisprudence consistante et cohérente ne puisse s’établir. Dans ce processus, la CSL a notamment précisé sa Règle B.15 afin qu’elle désigne plus clairement les situations de fait. En outre, au vu du caractère multinational des médias sociaux, la CSL tient compte aussi, dans ses décisions, de la jurisprudence actuelle en vigueur à l’étranger. Comme les Règles de la CSL, cette dernière ne connaît aucune obligation générale de caractérisation. Ce qui est déterminant, c’est de savoir si la nature commerciale d’une communication est clairement identifiable ou non. Ainsi, le tribunal de grande instance (« Landgericht ») de Munich a rejeté une plainte dirigée contre une influenceuse parce que, malgré l’absence de caractérisation, le caractère commercial de la communication était clairement visible (Landgericht de Munich, arrêt du 29.4.2019, Az. 4 HK O 14312/18, «Cathy Hummels», consid. 43 ss.).

En outre, de nouvelles études scientifiques attirent l’attention sur le fait que les followers adolescents sont capables d’identifier les intentions commerciales d’un post sur la base de la structure concrète du contenu, même en l’absence de caractérisation, et qu’ils sont parfaitement en mesure de faire preuve d’une attitude critique vis-à-vis des posts des influenceurs (voir aussi à ce sujet: Mischa Senn, « L’influencer marketing et la réalité du droit », in: Jusletter no 25, 16 décembre 2019, pp. 10 ss.).

De nouveaux experts pour la Commission Suisse pour la Loyauté

Alors que les membres des Chambres de la CSL sont élus par le Conseil de fondation, la Commission Suisse pour la Loyauté peut désigner sous sa propre responsabilité les expert-e-s à vocation consultative issus d’offices fédéraux, de services spécialisés, d’associations ainsi que des spécialistes des différentes branches de la communication. Cette désignation a lieu chaque fois lors de l’une des deux séances plénières annuelles de l’ensemble des Chambres de la CSL. Cette dernière a pris congé de trois expert-e-s le 6 mai 2020 et a élu deux nouveaux experts. Stefan Szabo, de l’Institut fédéral de la propriété intellectuelle (IPI), succède en tant que spécialiste du droit de la propriété intellectuelle et du domaine Swissness à Emmanuel Meyer, qui a soutenu pendant huit ans la CSL en tant qu’expert de l’IPI de manière extrêmement compétente et avec beaucoup d’engagement. La CSL a aussi élu un nouvel expert en la personne de Roman Gertsch, COO et co-fondateur de l’agence Kingfluencers; Andreas Häuptli, secrétaire général de l’Association Médias Suisses, s’est porté candidat par intérim afin de représenter les intérêts de la loyauté dans la publicité dans le domaine des médias. Avant qu’on ne lui ait trouvé un successeur définitif, il prend ainsi la relève de Mirjam Teitler, qui siégeait depuis 2016 en tant qu’experte chevronnée en matière de médias imprimés. Lorenzo Cicco a également quitté la CSL en tant qu’expert engagé pour la publicité télévisée; il sera remplacé à une date ultérieure.

Comme d’habitude, vous trouverez les justifications détaillées relatives aux recours sur le site web loyauté-en-publicité.ch sous la rubrique «Décisions».

Thomas Meier
Chargé des médias de la Commission Suisse pour la Loyauté